Les comptes bouclés.

[Jo Clay]

Retour au taudis effectué... Moins triomphal que prévu... Entrée par la petite porte, pour les cavalières, qui seront parties se reposer, dans la grange, ou au mirador, peu importe...

Mais aujourd'hui, il faut finaliser les comptes... Quelque chose qui tient à coeur, à la cavalière au grand imperméable sale. Alors accompagnée de la Tamarie, elle fait trotter son cheval jusqu'à la place publique... Première chose qui saute aux yeux, dans la foule : tous les nouveaux venus... Beaucoup de visages inconnus; des survivants, sales... Elle ne les connaît pas, n'a pas envie de les connaître, de s'attarder. La "piétaille", qu'elle méprise... On sait quelle valeur elle accorde à la vie.

En grimaçant, elle serre la fillette, contre elle, sur la selle... Mâchonne le cul d'une clope éteinte, jusqu'à atteindre le centre de la place publique, face au bâtiment principal. Elle ne descend pas de sa monture... Se contente de tirer une sangle, à l'arrière de la selle, qui libère une partie du chargement du cheval... Chargement de matériels divers et variés qui vont s'écraser au sol, dans la poussière. Elle tire la clope de sa bouche, pour la coincer entre son pouce et son index, et grogner :

"J'suis rentrée."

Nonchalemment, la mercenaire replace la clope éteinte au coin de ses lèvres, et tire une chemise, qui pend au flanc de sa monture... Une chemise nouée, en sac, forte d'on ne sait quel contenu... Ou plutôt : on pourrait s'en douter, au vu du sang caillé, qui a imbibé le vêtement... Paquet de forme très particulière, qu'elle jette négligemment au sol, face au bâtiment principal... Au milieu de tous les gens présents.

Le paquet roule, dans la poussière et la merde; les manches se dénouent, découvrant à moitié ce qui ressemble vaguement à une tête... Une tête pourrie, aux yeux déjà vitreux; aux chairs faisandées collées dans les tissus synthétiques, chaleur oblige... Quelques larves d'insectes se promènent sur le visage boursouflé, alors que les mouches se disputent les plaies les plus viandues.

Fait assez comique : de la bouche ouverte, dépasse la tête d'un marteau, dont le manche est enfoncé dans la gorge.

"C'légal... C'est l'type qui buttait des gens dans l'secteur... Les fracassait 'vec son marteau et y les bouffaient... Tout est légal. Interpel' nickel..."

Elle renifle, envoie un épais glaviot jaunâtre sur le sol, avant de faire entamer un demi tour au cheval... Promenade au milieu des passants? Pourquoi pas...

[Tamarie]

La scène est belle, elle vaut le détour, surtout de voir tout ses nouveaux visages découvrirent avec horreur se que Jo fait aux méchants. Jo, pas entièrement. C'est là, à se moment précis qu'on se jette sous les projecteurs. Elle ne sait pas qui est là, elle ne sait pas qui écoute, mais sa maman est là, tout sourire qu'elle peut offrir. Alors, toujours sur le cheval de la Keiffer, la petite se met debout.

En plus se tocard de croque mitaine, c'est moi que je l'ai tué!

Inconsciente du danger, elle veut que son mérite lui soit donné, elle en à pas chier pour le tuer, mais elle à fait ça comme une grande, même si c'est pas elle qui a coupé la tête et planté le marteau dans son coup. Mais c'est ca flèche qui à ouvert la gorge et elle en est très fière.

[Nager]

Nager qui passe, lui aussi dans la rue principale, voit Jo Clay balancer un étrange paquet qui se révèle être une tête pourrie. Il remarque aussi l'excitation malsaine de la gamine. Rapidement, il ramasse la tête qu'il empaquête à nouveau dans sa frusque dégoutante.

Y a sans doute pas besoin de balancer des immondices en pleine rue. Avec la chaleur qu'il fait, ça va donner des maladies.
En plus, j'ai pas souvenir qu'on balance des trucs aussi dégueulasses dans les rues de la communauté. C'est pas un taudis ici.
Y en a peut être qui chient à l'endroit où ils mangent et où ils pieutent, mais c'est pas le cas de tout le monde... Au contraire.

Le mutant a l'air en colère, il emporte le paquet sur le mur d'enceinte d'où il le balance aussi loin qu'il peut dans une des dernières mares encore en eau du marais. Les remous qui secouent la surface montrent rapidement ce qu'il advient du reste humain.

[Jo Clay]

"Douc'ment trésor, tu vas t'faire mal... Viens là..."

Elle attrape la gamine, la serre contre elle. Hausse les épaules, quand Nager s'empare de la tête, pour la balancer... Après tout, elle a toujours ramené les corps en ville, tirés derrière son cheval : preuve que "ça" a été fait. Cette fois-ci, pas de corps, juste une tête... Pour elle, c'est la même chose : preuve qu'elle l'a fait. Une sorte de témoignage de bonne foi; la moindre des politesses, selon elle.

Aussi n'a-t-elle pas l'air de comprendre la réaction du géant vert... Plutôt convaincue d'avoir bien fait... Et satisfaite. Elle adresse un salut, du bout des doigts sur sa tempe, à l'attention du mutant, qui lui, est maintenant perché sur la palissade, à jouer au lancer de poids...

"S'lut Nag'... Moi aussi, contente de t'revoir, depuis l'temps... J'te saute pas dans les bras, par cont'... T'pas l'air d'humeur, aujourd'hui."

Et de se pencher un peu en avant, pour murmurer à l'oreille de la gosse, installée devant elle :

"J'crois qu't'as fait sensation, ma puce. Mais évite c'genre d'détails la prochaine fois... Tu veux bien, mon trésor?"

Et d'embrasser la fillette sur la joue. Parceque non... Quoique fasse Tamarie... Quoiqu'elle dise... Maman Kieffer n'est jamais en colère contre elle. De quoi nous élever là une véritable petite princesse gâtée pourrie.

[Tamarie]

Elle accepte le bisou avec plaisir, elle sourit tout en plissant les yeux, mais ses pensées sont toutes autres, elle ne comprend pas non plus la réaction du grand vert, mais elle est loin d'être aussi diplomate que sa mère, elle rumine quelques secondes puis explose, ses yeux tournes oranges et elle se redresse pour crier en direction de Nager.

Espèce de gros tas vert, t'es qu'un grincheux boudeur!

C'est vrai quoi, c'est sa prise, son premier... les animaux quand ils rapportent leurs proies on prend ça pour un signe d'amour, elle on la roupille et même pire, on jette son cadeau au puanteur des marécages... Surtout que le cadeau il était pour maman Jo...

Chiure de montagne!

[Nager]

Le mutant redescend du rempart. Il vient se camper devant la cavalière et la petite.

Ecoute Tamarie, tout le monde doit parfois se défendre dans le désert, par exemple contre les .... euh, croque-mitaine. Mais il ne faut pas en ramasser des morceaux, surtout quand c'est pour les laisser trainer par terre. C'est sale.
Et... surveille ton langage. Les jeunes filles doivent faire attention à ne pas trop dire de gros mots.

Allez, ça me fait plaisir de te revoir. De vous revoir, vous êtes parties loin et longtemps.

[Zkapt]

C'est pas bientôt fini, ce boucan ?

Complètement détachée des évènements précédents, voici la Vogonne qui sort de son bureau pour aller admonester la gamine, coupable de l'avoir dérangée pendant l'élaboration du planning de la lune. Une incrimination qui relève presque du crime, selon les critères retenus par Zkapt.

C'est là qu'elle se rend compte que si Tamarie hurle à nouveau, c'est qu'elle et les deux autres cavalières qui l'accompagnent son rentrées. Tara doit probablement s'être cachée quelque part, à l'abri du bruit et de la fureur de la ville, elle qui préfère de loin les étendues sauvages, fussent-elles désertiques ... Mais Jo Clay, elle, est là, fière comme d'habitude, sur son cheval comme d'habitude, à traiter Tamarie comme une poupée comme d'habitude.

Et à la cavalière, elle a fait une promesse.

Mademoiselle Kieffer ! Quel plaisir de vous revoir parmi nous !

Ne laissant pas le temps à la mercenaire de répondre, l'Administratrice de la ville file sur elle, l'attrape, et lui administre un "smack" sur la joue de manière à ce qu'on entende la chose à trois kilomètres alentour. Puis, constatant la mine perdue de Jo Clay, la colère encore non éteinte de Tamarie, et un Nager filant vers le mur de pierres avec une tête d'homme dans ses mains, elle prend enfin conscience de la scène ... et ça n'a pas l'air de la réjouir.

Mademoiselle Kieffer, qu'est-ce que c'est que ces manières ? D'où sort cette tête ? Oh, je vois, ce doit être l'homme qui menaçait à tout bout de champ les survivants de l'est. Eh bien, vous savez à quoi cela me fait penser ? A ces chameaux que l'on dresse, et qui viennent faire leurs déjections sur vos pieds et demandent une caresse ensuite.
Non, mademoiselle Kieffer, nous ne sommes pas de ce genre-là, à vous demander des preuves de votre travail. Si vous voulez tout savoir, nous aurions préféré que vous l'enterriez, cet homme. Parce qu'en savourant la violence, vous vous placez sur le même registre que les croque-mitaines que déteste tant Tamarie. Et je sais que vous ne voudriez pas en devenir un, mademoiselle Kieffer. Et je sais que vous pouvez changer. Alors, faites-le. Pour nous tous qui vous aimons, et pour Tamarie en particulier.

[Jo Clay]

Elle s'attendait à tout, c'est certain, la cavalière plus fière qu'un régiment de hussards en tenues de cérémonie. A tout, c'est vrai : envisager le pire, après tout, c'était devenu son quotidien... Mais le smack collant de la vieille bossue sur sa joue... Ca, elle ne s'y était pas préparée... Elle reste conne, sur le moment. Bordel, c'est vrai... Elles en ont parlé, et la Zkapt le lui avait promis : un bisou. Nom de dieu, on nage en pleine quatrième dimension...

Elle n'a pas le temps de se remettre, que les reproches fusent déjà. Ce qui ne manque pas de la faire grimacer, alors qu'elle serre contre elle Tamarie, sa princesse... Caresse doucement les épaules de la petite capricieuse grossière; parceque cette petite morveuse au cul sale, on ne le dira jamais assez : c'est son trésor.

"Allez mamie, gueule pas... R'garde. L'méchant est mort, l'a arrêté d'menacer, d'agresser, et d'butter du pécor autour d'la ville. Moi j'savoure pas la violence, j'fais régner l'ordre et la sécurité, 'vec mon p'tit trésor... Hein ma puce? Hein ma princesse?"

Le regard de Jo qui se détourne de la "Vogonne", pour couver à nouveau Tamarie, dans une scénette cucul la praline à souhait, contrastant terriblement avec le caractère meurtrier et le sang sur les mains de la tarée : elle bichonne la petite, la chatouille, et l'embrasse sur les joues... La serre de plus belle contre elle, en posant son menton sur son épaule. Puis à nouveau à Zkapt et à Nager :

"Au fond tout ça ça a une visée stratégique : r'gardez donc... La tête qui roule par terre au milieu d'tous les nouveaux v'nus, ça annonce la couleur. Pas d'débordements dans les environs, ou sinon ça chie des bulles... Non? C't'un roulage de tête didactique, j'dirais. D'la prévention, pour éviter la répression... Et just'ment éviter qu'y'ait d'aut' victimes à déplorer. Ouaip', d'la prévention... Parc'que justement j'ai changé. Pour sûr j'ai changé, j'ai plus déconné, d'puis qu'j'ai la petite. Hein ma puce?"

Enième baiser pour Tamarie, sur le sommet de son crâne.

"Et t'inquiète Nager, j'la surveille, la p'tite, pour c'qui est d'la jactance, et tout ça... Sûr... T'entends ma caille? Faut plus dire de méchanc'tés, ça fait pleurer mamie, et maman Jo est pas contente après... Hein qu'y dira plus d'gros mots mon p'tit trésor?"

C'est ça... Contraste saisissant... Effrayant, quand on y pense.

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