Thé mondain ?

[Lanthane]

La nuit commençait déjà à s'installer lorsque Lanthane regagna l'Atelier d'un pas rapide. La température avait chuté, et la plupart des habitants de Shangri-La ne s'attardaient plus dehors. La tête enfoncée dans les épaules, l'Administratrice referma la porte avec un soupir de soulagement. L'Atelier était vide et sombre. Elle retira ses mitaines et se frotta les mains avant d'allumer une vieille lampe à pétrole nauséabonde.

Elle s'affaira ensuite à remplir une bouilloire d'eau pour la placer sur un réchaud aux flammes tremblotantes. Elle rangea quelques dossiers sur son bureau afin de dégager un espace convenable pour y déposer deux tasses en porcelaine ébréchées et armées de leurs sous tasses et petites cuillères . Ses yeux brillèrent lorsqu'elle sortit une authentique théière survivante, hélas dépareillée avec le reste de son service. Elle la garnit précautionneusement de thé et se laissa tomber, satisfaite, dans le fauteuil de son bureau.

Son invité n'allait plus tarder.

[KFH]

Le rendez vous avait été convenu lors d'un de ces moments ou la cité entière se groupait, pendu aux lèvres de ces Ayatollâh de l'organisation Shangrilienne. A la fin de celui-ci notre baron drapé de sa fierté, et de sa veste rouge éliminé dont le sable avait remplacé les dorures, s'était présenté devant Lanthane prétextant de ne pas avoir bien entendu son affectation.
Fier devant l’ottoman, le baron ne pouvait s’empêcher de jouer avec sa moustache lui donnant un air retord, le poil dressé. S’ensuivie une discutions de couloir où Karl relança cordialement sa proposition de rendez vous, sa demande fût exhaussez et rendez vous fut pris pour la semaine suivante.

Et voila notre baron, gonflé comme un paon empaillé le sourire aux lèvres, frappa à la porte de l’atelier un sourire au lèvre et un bouquet de pomme de terre à la main, comme il l’expliquera plus tard l’hiver n’est pas propice au bouquet de fleurs…


_ Hum humm.. Bonjour Chère Lanthane

[Lanthane]

- Entrez, Monsieur Karl Friedrich Hieronymus, et installez-vous, je vous en prie.

Elle désigna une chaise en face d'elle, de l'autre côté de son bureau. Elle ne se leva pas pour l'accueillir avec une poignée de mains amicale, comme l'aurait exigé les manières pré-crash. Elle était trop fatiguée de sa froide journée. Elle se surprit à sourire en acceptant le « bouquet ». Sa nature n'avait aucune importance pour l'Administratrice, mais le fait qu'il existait encore un homme sur cette planète ravagée qui n'avait pas oublié cette coutume de politesse pré-crash la touchait. Elle n'alla pas cependant jusqu'à mettre le « bouquet » dans un vase pour respecter la tradition, et se contenta de le déposer dans un sceau à proximité, en évitant de mettre de la terre partout.

- Que puis-je faire pour vous ?

Lanthane n'était pas une « grande dame ». Elle avait été éduquée pour les servir. Elle allait donc droit au but pour satisfaire au mieux ses interlocuteurs, sans même se douter que sa propre personne pouvait susciter un autre intérêt que celui attaché à sa fonction d'Administratrice.

[KFH]

Se raccrochant à son bouquet de pomme de terre comme son dernier lien au monde, le baron entra dans la pièce un sourire aux lèvres, masque de sa bonhomie. Une fois débarrassé de son bouquet, il prit place sur son siège en relevant le bas de sa veste pour ne pas s'assoir dessus... Lanthane lui demanda alors ce qu'il voulait, ce qui sembla le figer pendant une demi-seconde, comme si lui même ne s'était pas posé la question.

Puis il se bascula en arrière faisant une roulade en même temps que la chaise chutait avant de déclamer genoux à terre :

_ Mais ma chère que pourrait donc vouloir un homme tel que moi à une femme dont les allures grises ne font que rehausser la noblesse de ses traits?

Que pourrais-je bien vouloir? Je ne ferais pas milles méandres pour vous répondre, même si ce sont dans ceux ci que l'on fait les plus belles rencontre.

Un silence ponctua un regard d'une tendre folie, un silence digne des plus grands orateurs. Puis reprenant de la voix basse de la confession

_ Je vais vous répondre, je me doute que cela va vous surprendre et c'est chose normale, mais je suis un homme d'un certain âge et vieillissant, je sais que mon physique forgé par des années à repoussé les Ottomans et à chasser des monstruosités aux milles et une patte, peux masquer cela, mais je souhaiterais partager avec quelqu'un ce monde qui m'a permit tant de merveilleuse aventure.

J'avouerais que n'importe quel quidam se porterais volontaire pour m'accompagner lors de longue promenade, de chasse ou de tache anodine mené par mon illustre personne, mais c'est avec vous que je souhaiterais partager cela.

Puis reprenant constance et se remettant à parler de voix puissante et joyeuse.

_ Et n'ayant point pu trouver votre père afin de lui mander l'autorisation de partager quelques moments en votre compagnie, je me vois contraint malgré l'accroc à l'étique de vous le demander en personne.

Très Chère Lanthane accepteriez vous de partager avec moi une activité culturelle avec moi même un soir de votre choix. Et si le théâtre ne vient pas à nous, alors ma vie fera office de toile.

[Lanthane]

L'Administratrice resta silencieuse. A mesure que Karl avait déclamé ses intentions, elle avait rayé mentalement les raisons habituelles qui poussaient les gens à s'entretenir avec elle.
1) Besoin d'une arme
2) Besoin d'une monture
3) Besoin d'alcool
4) Besoin de drogues
5) Autres besoins en relation avec les réserves de la communauté.
Elle contemplait donc sa liste mentale... vide.

La bouilloire finit par signaler sa présence et elle se leva pour préparer le thé, toujours en silence. Elle déposa une tasse devant Karl avant se s'assoir à nouveau, et humer sa propre tasse avec un petit sourire satisfait. La fin du discours de Karl finit par arriver jusqu'à son cerveau, ou plutôt elle en comprit le sens.

Mon père... Elle ouvrit de grands yeux et reposa brutalement sa tasse dans sa coupelle, faisant teinter dangereusement la porcelaine. Il n'existe pas. C'est donc normal que vous n'ayez pas pu le lui demander. Elle saisit sa tasse à nouveau, trop violemment cependant et s'éclaboussa de thé. L'eau encore brulante ne sembla pas la gêner, mais elle se leva calmement pour s'éponger... Et se rassoir à nouveau.

Une activité culturelle hum ? Et bien, Monsieur Karl Friedrich Hieronymus, je serais ravie de vous écouter. Reprit-elle d'une voix qui se voulait détendue. Tous les soirs même, je ne dors que très peu ces derniers temps...

[KFH]

Tout le long de ce moment gênant d'incertitude où malgré tout le mal que se donnait sa partenaire de dinette pour le masquer, la tension était palpable, le baron afficha un sourire qui se voulait sans doute charmeur...

_ Fantastique! Je vous proposes donc d'aller se promener dans les rues de votre charmante bourgade, et de ces habitants. Sortons affronter la froidure et si cette dernière venait à être trop présente nous pouvons toujours retourner ici.

[Lanthane]

L'Administratrice finit sa tasse de thé "cul sec" avant de se lever maladroitement.

Allons-y.

Lança-t-elle simplement, tout en s'emparant d'une veste trop grande pour elle et d'un châle qu'elle s'entortilla autour du coup. Elle prit aussi de quoi s'éclairer, une bougie maison et un briquet, car il faisait de plus en plus sombre.

Je vous laisse choisir notre route, car vous êtes le conteur, n'est-ce pas ?

Un faible sourire fit (enfin ?) son apparition sur son visage pâle et ridé.

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