accident dans l'enclos

[Mira]

Le soleil se lève une fois de plus sur les marais encore calme. L'activité de la journée commence à peine, un cuisiner ravive un feu, du haut d'une tour, un homme armé baille en attendant la relève et rêve de se coucher -enfin-. Dans leurs enclos les bêtes s'agitent.
Elle sont bien nourries les bêtes. Elles sont de plus en plus nombreuses les bêtes...


Et de plus en plus serrées aussi. Est ce que c'est une vie ça ? Moi je suis né pour parcourir les grands espaces, pas pour croupir dans un marais puant, qui colle aux pattes...
Bon, au départ, je ne dis pas. On était bien content quand on a compris que les bêtes à deux pattes n'allaient pas nous manger, et qu'en plus, ils nous mettaient au chaud pendant l'hiver. Mais au début, je m'en souviens, nous n'étions pas plus d'une dizaine. Un troupeau familiale. Regardez moi ça à présent... Les petits n'ont même plus la place de courir sans heurter un adulte...
Et à l'époque du rut, je ne vous raconte pas...

A si, les petits, ils peuvent aller gambader quand la femelle deux patte vient pour les emmener dans l'autre enclos là... Ces derniers temps, il sont plusieurs à venir... Mais la femelle je la reconnais... Ceux qui partent avec les deux pattes dans l'enclos en ressortent complètement déstabilisés, sans la moindre fierté. Ils s'abaissent devant Eux, ils les laissent même monter sur leurs dos.
On ne sais pas très bien ce qu'ils deviennent ensuite, mais ca ne promet rien de bon, c'est moi qui vous le dis...

Sinon, on les reverrait non ?
Parfois, leurs mères disent qu'elle les entendent... A l'autre bout de la terre collante. Moi, j'aime pas ça. Heureusement, je suis trop vieux maintenant pour qu'on vienne me chercher. Je vais finir mes jours ici, je le sens... Comme ça, je resterais avec mes femelles et mes petits, jusqu'à ce qu'elle me les enlève uns à uns...


Tiens justement, la voilà. Regardez la chercher qui elle va emmener cette fois... Qu'est ce qu'ils sont laids ces bêtes là...
Mais ? Mais qu'est ce qu'elle fait ? Non ! Je ne veux pas y aller...
Mais lâche moi sale deux patte ! C'est quoi ca ? une laisse ? Non mais tu n'as pas honte ? Laisses moi avec mes femelles à moi ! Vas t'en !!! RAHHHHHH !!!!

Mais ca ne va pas ce passer comme ça, tu vas voir... Ho, toi, tu vas voir... Cours moi après si tu le peux, faible deux pattes... Misérable...
AHAH, tu abandonnes hein ?

Mais … Mais...
Non, mais u ne vas pas prendre la jeune en chaleur la... Ah mais NON, j'en ai marre !
Tu vas voir...




Le vieux mâle avait fuit, et la jeune femme n'était pas de taille à lutter contre lui. Elle voulait juste vérifier l'état de ses dents, mais ce dernier ne semblait pas d'accord. Elle s'en occupera quand il sera mis dans un box.

Alors que Mira passait le licou à une chamelle qui promettait d'être une bonne coursière, le vieux mâle lui fonça dessus. Une frisson de peur la parcourue, elle s'écarta de la chamelle, le licou encore à la main. Elle recula en direction de la barrière d'enclos, pendant que le mâle la fixait et dansait sur place. Il la chargea encore et encore. Montrant les dent, le cou tendu, poussant des cris puissant qui devaient résonner dans tout Shangri la. Des cris inhabituels de rage, et de haine.

Le licou avait été déroulé, et pendait le long de l'épaule de la jeune femme jusque sur le sol. Autour d'elle les bêtes étaient nerveuses, s'agitaient, le vieux mâle se montrant toujours aussi agressif. Mira n'arrivait pas à sortir de l'enclos, les chameaux lui bloquant le passage. Dans sa terreur montante, elle se prit les pieds dans le licou et trébucha. Elle essaya de se relever au plus vite, mais le mal était fait...

La vieille bête hargneux en profita et se jeta sur elle. La jeune femme se recroquevilla instinctivement, essayant d'éviter les coups, mais en vain.

…

Le vieux chameau dansait sur place, affolé par l'odeur du sang, et par la forme qui ne bougeait plus sur le sol.

Mira dans une dernière lueur de conscience revit en flash toute sa vie, depuis sa sortie de la cave de ses parents, son errance dans le désert, au tout premier temps, la lente construction de Shangri la, le conseil et les doutes du début, et Marcus, Nager, Nida, Lanthane, Zkapt, Tamarie aussi, et les hivers et les étés qui se sont succédés, trois hivers, quatre étés. Le nombreux nomades croisés, quelques sorties dans le désert, quelques amants, une ville forte à présent, AM, ses champs et ses bêtes, son envie d'un enfant, ses amies, ses connaissances...

Marcus, AM, les deux derniers qui l'accompagneront...

Ses pensées se désagrègent lentement.
Puis plus rien.

A part un vague sourire adressé tout ceux qu'elle part retrouver.


FIN


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(hrp : merci à tout ceux avec qui j'ai joué, ce fut un plaisir. Vous pouvez répondre sur le forum, pour que je suive les derniers RP concernant Mira. Bonne continuation à vous tous)[/taille]

[AM 837]

Bientôt un nouveau levé de soleil, nouveau cycle astral, éternel recommencement.
L'astre du jour se lève doucement et les plus prévoyant sont déjà a l’œuvre pour pouvoir s'arrêter aux heures les plus chaudes de la journée et somnoler a l'ombre en espérant un souffle d'air un peu moins brulant.

Le crane rasé est de ceux ci, perché sur la station météo il s'adonne a ses exercices rituels face au levé de soleil qui ne devrait pas tarder a poindre.
Dans un mélange de danse et de katas exagérément lents et décomposés il évolue sur le toit de l'abri, pivote et tourne dessinant arabesques et circonvolutions avant de s'immobiliser face a l'Est et s'incliner cérémonieusement devant le char d’Apollon qui débute a peine sa course.

AM aspire profondément l'air frais, désengourdi par sa gymnastique matinale, les relevés de l'appareillage météo en poche et la tête presque vidée de ses noirceurs redondantes, il saute au bas du toit avec souplesse pour se diriger d'un bon pas vers le quartier "agricole" de la cité.

Espérant la voir, lui parler... Serrer sa petite silhouette contre lui. Trop de questions sur un avenir qu'il se refusait jusqu’à peu a envisager. Leur avenir le taraude et après avoir jouer les faux fuyants trop longtemps il est temps de prendre le peu de courage qu’il lui reste a deux mains.
Direction les champs, autant joindre l'utile a l'agréable et contrôler au passage l'état des cultures pour joindre a son rapport hebdomadaire...

Quand il dépasse l'angle du laboratoire et que les enclos sont en vue de l'autre coté de la "rue Ashes", un cri de bête lui glace la sueur dans le dos tandis qu'il presse le pas vers l'enclos des chameaux.

C'est le bordel, les grandes bêtes affolées se bousculent en grognant, ça blatère, ça se heurte et piétine dans tout les coins de l'enclos, on y voit goutte a travers la nuée mouvante de fourrure.

Le conseiller s'abstient de rentrer dans l'arène et commence a faire le tour pour se rapprocher du goulot barriéré qui fait communiquer les deux parties de l'enclos avec l'idée d'agrandir par cet artifice l'espace des chameaux, espérant les calmer en leur offrant une pseudo porte de sortie.
Les loquets ouverts et les panneaux de bois dégagés, le crane rasé s'empresse de dégager le chemin pendant que les bêtes se bousculent pour accéder a la partie servant au dressage. Ce qui a le mérite de calmer un peu une partie des bêtes apeurés.

En se rapprochant de la porte de l'enclos, son regard accrocha un détail qui fit naitre instantanément un malaise, un châle, son châle déposé sur la clôture... Mira... Est ce que ?

Sans demander son reste il se précipite a l'intérieur, récupérant au passage une des grandes cannes dont les chameliers se servent quelquefois pour les bêtes trop têtues et s'avance gorge serrée vers les derniers chameaux attroupés autour du plus agité d'entre tous qui continue de pousser des cris en trépignant.

L’appréhension le gagne a mesure qu'il progresse en brassant l'air de son arme improvisé pour signaler aux bêtes de bien vouloir s'éloigner, ceux chez qui la canne a laissée de cuisants souvenirs s'écartent plus ou moins facilement pour aller chercher la compagnie de leurs congénères plus loin.
Quand enfin la femelle qui lui obstruant la vue s'éloigne, la canne manque de tomber des mains du conseiller, elle est là, recroquevillée au sol maculée de sang et de boue avec un imposant chameau qui tourne et retourne autour de sa victime.

En lieu et place du désespoir, quelque chose disjoncte dans la boite crânienne d'AM, sous sa cicatrice ça bouillonne, un voile blanc passe devant ses yeux un court instant suivi d'une impressionnante bouffée de chaleur et c'est a deux doigts du coup de sang qu'il s'avance lentement mais surement a la rencontre de la belle piétinée par la bête, bâton levé menaçant, les yeux exorbités cherchant a hurler plus fort que le vieux chameaux qui grogne en faisant claquer ses dents.

Les détails du corps apparemment inconscient ou... Sans vie, a mesure qu'il se rapproche, font redoubler ses hurlements qui, si le chameau ne l'avait pas déjà fait, réveillerai a eux deux les plus dur de la feuille a Shangri La.

Tachant de tenir en respect la bête folle en faisant siffler l'air avec la canne et frappant le sol, il s'accroupit auprès de Mira, l'appelle doucement espérant un sifflement ténu, un gargouillis sanglant, rien qu'un minuscule râle un petit quelque chose pour chasser les ténèbres qui s’amoncelle... Mais rien de tout cela, un filet écarlate coule au coin des lèvres de la belle tuméfiée qui semble pourtant sourire, l'examen rapide de son pouls et la palpation des cervicales met un terme définitif a ses maigres espoirs...

Signes vitaux : néant, circulez... Y'a rien a voir.

Les cris de rage d'AM se mue en longs hurlements de désespoirs, appels a l'aide répétés ou simple plainte d'une âme qui se brise, jusqu’à ce que sa voix déraille, s'enroue, décroise et s'éteigne.

Immobile a sangloter, balbutiant, a genoux dans la boue, il serre au creux de son bras libre les épaules du frêle cadavre alors qu'il semble désigner le coupable du bout de la canne, tentant de garder a distance la bestiole pas vraiment calmé.

[Lanthane]

Le hurlement venait de l'enclos, il n'y avait aucun doute. Lanthane dévia aussitôt de son habituel parcours matinal, pour s'y rendre. Ce qu'elle aperçut au milieu des bêtes la fit blêmir, la figeant un instant sur place. La boue sèche de l'enclos s'abreuvait du sang de Mira et des larmes d'AM.

Mais au lieu de se rapprocher, elle recula. Lentement d'abord puis de plus en plus vite, avant de se retourner pour partir presque en courant vers l'Atelier. L'Administratrice-Adjointe déboula dans le bâtiment et se dirigea directement vers l'établi où plusieurs pistolets à poudre étaient alignés, luisants. Elle en saisit un qu'elle arma sans même trembler.

Dehors à nouveau, elle marchait d'un pas rapide, tenant le pistolet le long de sa jambe. Elle dépassa sans un mot ou même un regard AM, tel un fantôme, pour aller se planter devant le vieux chameau et le mettre en joue de ses deux bras maigres. Rien ni personne n'aurait pu l'arrêter.

Son corps tout entier accusa le tir. Avait-elle raté la tête ? Ou avait-elle fait exprès de tirer dans la gorge, perforant la trachée, condamnant la bête à se vider lentement de son sang ?

Le chameau émit un gazouillis étrange, ses yeux semblèrent sortir de leurs orbites, surpris surement par cette douleur soudaine, alors qu'il avait enfin réussi à se débarrasser de sa tortionnaire. Il resta debout approximativement 30 secondes encore, avant de s'effondrer sur le sol.

Le coup de feu sonnait encore à ses oreilles, Lanthane laissa retomber l'arme sur sa cuisse. Ses yeux étaient rouges, larmoyants. Mais peut-être était-ce seulement à cause de la fumée abondante qui s'était dégagée lorsqu'elle avait tiré, sans aucune hésitation.

Avide, la terre absorbait toujours.

[Andjock]

Matinal Andy se la coulait douce à déambuler dans la cité, il avait repris ses bonnes habitudes marcher sans but, seul à s'inventer des histoires...

Un coup de feu brise ses rêveries. Qui à bien pu tirer? Les gardiens n'ont pas l'habitude de gâcher des munitions pour faire taire les fous qui menacent la cité, et si ça avait été plus sérieux un coup de feu n'aurait pas suffit. Les gamines? Elles étaient plutôt calme en se moment, voir trop calme. Un suicide? C'était déjà arrivé...
Au lieu de spéculer le mieux serait d'aller voir.


Le bruit venait de par là, plus il approchait plus les sons qu'ils percevait le mettait mal à l'aise: annonciateurs d'une tragédie...

Arrivé sur place il mirait avec effroi, abasourdi, la scène de chaos qui prenait place devant lui:
Lanthane arme au poing immobile, AM tenant le corps sans vie de Mira, hurlant, se lacérant la gorge et s'arrachant les cheveux* et le chameau se vidant doucement de son sang encore animé de quelques soubresauts.

La boue de l'étable avait pris une couleur rouge, comme quand un heureux événement se produisait et que la chamelle expulsait le placenta... Mais cette fois pas de naissance et cette fois Mira ne recouvrira pas de paille le sang qui dégoulinait dans les box.

Totalement désemparé Andjock ne savait pas qui consoler: la vielle dame au pistolet qui semblait si courageuse mais qui de toute évidence n'allait pas bien (même avant cela s'il avait vu juste) ou tapoter sur l'épaule de son "poulet" qui était de toute évidence le jouet favoris du sort.


Réconforter l'ex-administratrice semblait être le meilleur choix il pensait préférable de laisser AM se calmer un peu avant de l'aider.

Il prit l'arme dans la main de Lanthane et posa sa grosse paluche encore libre sur l'omoplate de la vielle dame restant distant mais se voulant rassurant.

Puis il resta interdit devant le tableau qui se dressait face à lui des larmes roulèrent sur ses joues peut-être plus par compassion pour AM que par la mort de Mira elle-même.


(*Note de l'auteur, le personnage D'AM étant rasé et n'étant pas pourvu d'une poitrine opulente ceci est une image censée évoquer au lecteur les pleureuses siciliennes ou encore Laudine dans un roman de chevalerie bien connu.)

[Zkapt]

Le temps que Zkapt arrive, un silence de plomb était tombé sur la rue Ashes. Tombée dans une rue de Sage mort, une Sage morte. Mira, la mémoire de Shangri-La, gisait là, inconsciente.

Combien étaient-ils désormais à avoir connu la ville avant l'arrivée de la Vogonne ? Le Comptable n'était plus que l'ombre de lui-même ; Gil Scott, Timothy, JosephPorta, Lorna Dane étaient partis à l'aventure et ne donnaient que peu de nouvelles ; seuls parmi les civils, Raiemon et Glenn continuaient chaque lune leur labeur incessant au service de la communauté ... tout comme les plus anciens des Gardiens, ceux de la Caravane et Jokosha, le veilleur silencieux.

La cité avait bien changé depuis tout ce temps. Des troupeaux avaient été constitués, massifs, et Mira s'en était occupée, veillant soigneusement sur les bêtes avec l'aide d'Ahèm ... Mais depuis peu, les incidents se multipliaient avec la réduction de l'espace consacré à chacune des bêtes. Zkapt en avait fait les frais dernièrement, en allant chercher un étalon d'une qualité rare pour l'amener voir le dresseur de pur-sangs. Celui-ci avait mordu avec une telle force dans la corde qu'elle avait cédé, et qu'il avait pu s'enfuir à travers les marais, vers une vie d'errance et de privations.

Cependant, l'accident d'aujourd'hui avait atteint un seuil sans commune mesure avec tous ceux qui l'avaient précédé ... Désemparé par la scène, ayant compris qu'Ahèm, qui avait de solides bases en médecine, avait constaté l'impossibilité de sauver celle qui était sa compagne depuis un moment déjà, la Vogonne prit ses responsabilités et fit aux badauds attirés par le bruit et qui ne connaissaient pas Mira de près ou de loin :

Circulez, y a rien à voir. Nos médecins s'occupent de la victime. La situation est sous contrôle.

Ah, qu'elle était sous contrôle la situation ... L'administratrice, envahie de l'intérieur par ses souvenirs de la jeune femme inerte, s'effondrait mentalement, incapable de donner le change.

[marcus]

Une image, mirage gelé d’un homme qui sourit les vêtements perlés de glace.
Il ne porte aucune marque de blessure et encore la même tenue qu’il portait la dernière fois qu’elle est venue rejoindre les caillasseurs pour lui amener à manger juste avant…

Ma petite voix du désert. Mon mirage. Je t’attendais. Pardonne moi de t'avoir laissée toute seule.
Il regarde au travers des présents la ville en souriant.
Tu peux être fière de ce qu’on a fait. Tu laisses une trace dans tous ces gens, dans l'âme de cette ville et des espoirs qu'elle représente.

Allez viens annabelle, il est temps maintenant.

[Mira]

Mira est profondément troublée. En premier lieu, un grand choc. Une incompréhension. Et puis la stupeur, l'horreur de la situation. Après le flash back, après la mort, il y a donc quelque chose ? Est-ce les derniers soubresauts d'un cerveau agonisant ?
Elle se rend compte progressivement de ce qui l'entoure, dans une sorte de flou, de brume. Sentiment étrange pour une personne n'ayant jamais connu la myopie...


Son vaisseau de chaire demeure inerte entre les bras de son amant sanglotant. AM ! Sa douleur est presque palpable. Mira a le coeur qui se serre et la gorge qui se noue, bien que ni l'un ni l'autre ne soient plus opérationnels. Elle voudrait le réconforter, le toucher, mais cela semble impossible.
Autour, Lanthane, Anjock et Zkap un peu plus loin, quelques uns des survivants qu'elle avait appris à connaitre et à apprécier. Elle ignore complètement comment elle peut voir et entendre, et pourtant ne plus vivre.
Elle va partir, ça elle le sait.
Elle voit son pauvre corps, quelques os cassés, des côtés, des vertèbres. Des poumons perforés. Du sang s'écoule de la commissure de ses lèvres et de son oreille.
Elle est pourtant contente de ne pas ressembler à certains "prisonniers" de Jo, pas toujours identifiables...
Le chameau continue à se vider doucement de son sang. Le beau rouge vermillon vire au brun et au noir. C'était une sale bête. Lanthane a bien fait de l'abattre. Elle sourit mentalement en pensant au repas gargantuesque que cela promet. Les cuisiniers devraient se mettre à dépecer, sinon l'énorme carcasse va gonfler...
Elle se rend compte qu'elle-même est une carcasse. Horreur et ironie...
Que faire ? Ou aller ?

L'impression d'être attendue, regardée.
Marcus est la. Comment ? Il est juste la, à coté d'elle. C'est tout.
Le même qu'il y a... si longtemps ? Deux hivers, trois étés...
Elle est sidérée de le voir. Heureuse. Ebahie. Terrorisée. Même ses pensées balbutient.
Lui semble sourire, comme s'il la comprenait. Il l'appel. Il veux l'emmener. Elle hésite, puis se décide à lui faire confiance.
Marcus, c'est vraiment toi ?
Comme tu m'as manqué. Tu... Oui, tu dois savoir... Si tu es la maintenant, tu pouvais être la avant ?
Marcus...
Il l'appelle par tous ses petits noms connus d'eux seuls. Oui, c'est bien lui. Une partie de lui.
Oui, elle peut être fière de ce qui a été accompli. Mais Mira n'a pas construit Shangri-la elle-même. Loin de la. Elle n'était pas seule.
Mira coule un regard vers Marcus, qui semble comprendre et qui acquiesce.

Elle se retourne alors vers les vivants.
Vers AM en premier. Elle s'approche de lui, et de ce qui reste d'elle-même. Elle tente de lui parler, cherche ses mots. Bien qu'il ne puisse pas l'entendre, selon toute vraisemblance.

Am... Oh AM... Pardon de t'abandonner. Je sais à quel point tu souffres, et que tu souffriras. Pardon. Je... Je n'ai pas eu le choix. Trouves ton chemin à travers la douleur. Que ce soit au travers de tes prières belles comme des danses, ou de n'importe quel remède. Prend soin de toi.... Oh AM … Pardon... Pardon...

La vision de la détresse de son compagnon est tellement intense qu'elle se détourne, glisse vers Lanthane et Zkapt

Bonne chance les filles. Bon courage. Je sais que vous saurez maintenir l'Espoir à Shangri la. Avec vous, je ne craint pas pour l'avenir de cette ville.
Ne vous laissez pas marcher dessus, hein ?
Pauvre sourire ironique
Je passerais le bonjour à Nager. Et à tous les autres.

Andjock, proche de la digne justicière au chignon, contemplait Am d'un air plein de pitié.
Andy... Prends soin de lui tu veux ? Evites qu'il fasse des bêtises... Et jette un coup d'oeil aux petites de temps en temps... Bonne route …

La jeune décédée se tourna vers Marcus, amant plasmatique. Elle s'avança vers lui. Avant de partir vers un ailleurs peut être meilleur, elle frôla son amant encore palpitant.

Am. Quel que soit ta route, s'il m'est possible de t'accompagner... je le ferais. Et peut importe quand arrivera ta fin, je serais la....

Elle se pencha pour déposer un semblant de baiser sur le crane lisse et couturé du bel éploré.

Un maigre souffle de vent passa au travers que tableau mortuaire, agitant les cheveux et les poils de ceux qui en possédaient.
Souffle qui se glissa sur le visage de la belle tuméfiée, s'engouffrant dans les poumons déchirés, soulevant une dernière fois la poitrine de chaire de la jeune femme.


Marcus l'attira à lui, pour s'éloigner ... ailleurs.

[AM 837]

Au chevet de la défunte, calée au creux de ses bras, il a abandonné la canne pour ne plus s'inquiéter que d'elle.

L'irruption de Lanthane, le coup de feu qui le fait tressaillir et se pencher sur Mira pour la protéger... Puis l'arrivée d'Andy dans son champs de vision et la voix de Zkapt, tout cela tourbillonne autour de lui, autour d'eux, comme si il se trouvait au cœur du cyclone, isolé dans l’œil calme de celui ci.

Tableau qui aurait pu être mignonnet a souhait, Elle, souriante et endormie au creux de ses bras tandis qu'il susurre quelque chose en souriant a l'unisson et écarte d'une main hésitante les mèches de cheveux collés sur son front.

Charmant si ce n'est la boue et le sang qui tachent son visage et ses lèvres,
Charmant si il n'avait pas en face ce chameau qui déverse le contenu de son système sanguin en puissantes giclées écarlates.
Charmant si il n'était pas enroué, la voix rompue d'avoir tant hurlé de peur, de colère et de dépit.
Charmant aussi ces chuchotis rassurant, qui ont remplacés les cris, adressés d'une voix douce a la belle mortellement piétinée.
Charmant si l'on excepte les fractures diverses variées et mortelles.

Charmant vraiment...

Le crane rasé frissonne, une impression de froid s'est immiscée un bref instant, il regarde par dessus son épaule sans rien y voir hormis la Vogonne a l'entrée de l'enclos qui redirige les badauds... Étrange ce froid qui ne mord pas.

Mira n'a jamais été ni très grande ni très grosse, fluette même, pourtant il grimace, souffle et peine en soulevant le corps inerte lesté de son propre chagrin.
La poupée désarticulée, pantin fragile sans fils, dodeline de la tête dans les bras d'AM, ses jambes ballottent mollement alors qu'il assure sa prise pour tourner un visage ravagé vers Lanthane et Andjock pour balbutier quelques mots d'une petite voix.

" Venir tout a l'heure... Veillée Infirmerie... Inhumée, demain "

Puis il s'éloigne, passe devant Zkapt, lui répète avant de se diriger lentement, avec d'infinies précautions pour son inestimable colis, vers le quartier médical non sans avoir déposer ses lèvres sur le front blême de la jeune femme et sans cesser de lui murmurer des choses, inaudibles, mais dont le sens ne peut prêter a confusion en croisant le regard embué du porteur.

Puis il s'enfermera dans un des petites pièces annexes de l'infirmerie pour n'en ouvrir la porte qu’un fois la dépouille nettoyée des souillures de boue et de sang, l'installant sur le dos telle une paisible dormeuse mains jointes, drapée d'un des châles qu'elle affectionnait, ses cheveux peignés ruisselant sur ses épaules.

Le conseiller assit, la tête dans les mains auprès de la défunte Mira avait fait de son mieux pour camoufler les blessures, les marques, les contusions et les fractures afin que ceux qui le souhaitent puisse venir une dernière fois auprès de la dépouille de la discrète mémoire de Shangri La, déposer un objet, quelques mots ou simplement la voir, avant qu'elle ne rejoigne au terme de cette veillée la terre ou elle avait réussie a tout faire pousser et refleurir.

Y comprit l'Espoir...

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