Comme un nem dans de la sauce soja

[Zoé Zéro]

Elles sont parties, les trois cavalières, dans l'horizon inondé de lumière...

La Bonne petite Tamarie... Cette Brute de Jo Clay... Et la Truand... Mexicaine... Toujours.

Derrière la Bonne et la Brute, la Truand traîne un peu la patte, ou se lance dans des embardées indésirables. La course à cheval est plus qu'hésitante... Chaotique. Confuse. Elle manque souvent de basculer. Se raccroche à chaque fois. Elle apprend sur le tas, en poussant d'ignobles jurons latins, des bas quartiers. Quoi qu'il en soit, elles avancent, tant bien que mal.

Il y a pourtant quelque chose qui cloche, dans ce tableau des plus idylliques. Ce qui cloche, c'est l'arrière goût infâme que dégagent les feuilles de coca mâchouillées par l'hispanique, derrière sa bouche tordue, ruminant comme une vache. Les feuilles de coca, demandées à la vieille peau, qu'elle attendait tant... Le petit remontant s'avère, en vérité, fatal.

Fatal, car, quand les trois femelles s'arrêtent pour profiter de l'ombre précaire d'un bivouac, le goût des choses simples, comme disent les publicitaires, les entrailles de la Zoé se tordent. Elles couinent, et la petiote commence à se décomposer, le visage ruisselant de sérieuses sueurs froides. Sans rien demander à personne, elle se dirige, en marchant comme un cow-boy, derrière un gros rocher, aux pieds des falaises qui surplombent le campement. Baisse son pantalon, et la culotte avec, avant de brutalement plier les genoux, pour se vider d'une colique carabinée, qui forme de jolies arabesques marronnasses, au dessus des grains de sable...


Seulement, au delà des problèmes intestinaux dûs à la mauvaise came ingérée par la borgne, il y a un tout autre problème. La colline a des yeux. Deux paires, plus précisément.

Deux voyous, dont l'un est armé d'une machette grêlée de rouille, sont cachés derrière une autre grosse caillasse, à quelques mètres de l'innocente victime et de ses fèces abondantes. La proie est toute désignée; alors qu'un des types, celui à la lame pourrie, porte celle ci à sa bouche, et lèche ainsi la pointe de son gros coutelas, en zieutant la Zoé d'un air non seulement lubrique, mais, plus que tout, affamé.

Il n'en faut pas plus à nos deux gaillards, entre deux pets ignobles de la mignonne, pour lancer l'assaut en beuglant, les braguettes tendues, et à moitié ouvertes... Assaut prestigieux qui ne manque pas d'apeurer la Zoé, qui se lève précipitamment, le cul à l'air, une goutte de merde dégoulinant le long de sa cuisse dodue. Elle n'a même pas le temps de remonter son falzar que les deux affreux clochards sont déjà presque sur elle. Alors, dans un mouvement de recul, pour courir, elle s'aplatit au sol, entravée et fauchée par son propre pantalon. Pantalon qu'un des deux salopards lui retire, pendant que l'autre lui balance un coup de pied au visage, dans la zone du cache-oeil, ce qui a le malheur de provoquer un hurlement féminin des plus horrifiques. Hurlement tellement puissant que les deux types restent se regarder comme deux ronds de flancs un moment, sans voir que la jeune femme vient de se relever péniblement, pour balancer un gros coup de poing dans le menton du type à la lame. Type à la lame qui perd un instant l'équilibre, et qu'elle pousse de toutes ses forces, pour qu'il s'étale au sol... A l'endroit exact du tas de fumier. Roulé dans la crotte semi-liquide, comme un nem dans de la sauce soja.

L'autre, pendant que son pote s'agite dans la fange et reprend ses esprits, tire la Zoé par les cheveux, et, de l'autre bras, tente d'étrangler la petite mexicaine. Petite mexicaine qui prend la balle au bond en lui mordant la chair du poignet, tout en labourant ses côtes de vicieux coups de coudes...

[Jo Clay]

Un bivouac précaire : le goût des choses simples... Assez simples et agréable, pour plaire à une cavalière apaisée, qui aura mis un temps ses névroses de côté, pour se livrer, discrètement à l'observation détaillée d'un trésor, qu'elle cache à son flanc, sous un pan de manteau crasseux. Le trésor, oui : la surprise... Un objet de valeur, pré-crash... La star des magasins de jouets, à l'époque. Un nounours en peluche...

Oh bien sûr, l'animal n'a rien de clinquant, à moitié rongé qu'il est. Décousu par endroits, et privé d'un oeil... Un trésor tout de même, qu'elle serre à son coté, hors de vue de la petite Tamarie. Et elle jubile, la mercenaire apaisée... Elle jubile, en réfléchissant au meilleur moment, pour l'offrir à sa petite princesse. L'idée la fait sourire, bêtement, alors qu'elle tourne la tête vers la fillette... Aujourd'hui, on peut le dire, Jo Clay Kieffer est détendue, et sereine. Le dur masque de bois sur son visage s'est dissipé, et on pourrait même se risquer à dire que cette fois, la cavalière... En y regardant bien... Elle n'est pas si laide.

Pour combien de temps? Le temps d'un hurlement, en réalité.

Le cri s'est répercuté contre les parois rocheuses de la cuvette montagneuse. Hurlement féminin, ne pouvant provenir que d'une seule direction : les chiottes de la Zoé. En hâte, la brunasse a enfourné l'ours dans sa musette, et arme au poing, s'est précipitée sur la petite Tamarie; s'est accroupie sur elle, yeux exhorbités, consciente du danger...

"Tu restes cachée ici, trésor. Tu bouges pas ! Surtout tu bouges pas ! M'man va r'venir !"

Les cris, les hurlements; c'est armée comme un porte avion, que la furie s'est précipitée vers les bruits de lutte, plus en avant dans le recoin rocailleux, à l'ombre des contreforts. Silencieuse, crispée... Nerveuse, elle se sera tapis derrière un rocher : vérifier que l'arme est bien chargée, observer les environs; ne pas être prise à revers... Puis progression, encore, de rochers en rochers, de couvert en couvert, jusqu'aux cris, aux hurlements et aux bruits des coups... Observer, encore. Ne pas être vue...

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Ils ne sont que deux, visiblement, les affreux vers qui elle marche, faussement calme. L'un tient par les cheveux une Zoé sans pantalon, qui continue de le cogner, plus mollement encore à chaque coup porté, épuisée. L'autre s'est relevé, a ramassé sa machette, et visiblement, se payerait bien une tranche de tortillas sauce hémoglobine piquante. Deux vagabonds en haillons, dont l'un lève sa machette, pour la porter sur la poitrine de la borgne, toujours maintenue par le deuxième salopard... C'est sans compter sur la main, qui fermement, vient saisir le poignet du rôdeur armé.

Surpris, l'affreux fait volte face, alors que son poignet se tord... Autant que son visage, maintenant figé dans une grimace douloureuse. Il tombe à genoux, le poignet toujours cassé dans la main de la Kieffer, qui de son autre pogne pointe son flingue sur sa figure. Calme, en apparence, la mercenaire... Et pourtant, le visage creusé, cerné, n'a rien d'amical, quand elle se force à garder un ton neutre...

"Bonjour... J'm'appelle Jo... J'suis... J'suis le Marshall. Et elle... C'ma copine..."

Le canon froid de l'arme caresse le visage en sueur du malandrin; du front, aux arcades... Puis descend le long de l'arête nasale... Et sur la bouche... La salope serre toujours fermement le poignet, alors que son arme continue de se promener sur le type... Et de s'abaisser, encore... Poitrine... Ventre...

"Dis a ton copain... D'lâcher ma copine. Et de lui rendre son..."


*BAM !*

Détonnation assourdissante, qui retentit sous les crêtes rocheuses... Suivie presque immédiatement d'un hurlement aigu, après qu'une paire de couilles vienne de littéralement exploser, sous l'impact d'un assez gros calibre... On s'en souvient : la demeurée fond ses propres plombs.

"... Pantalon..."

Elle maintient toujours le poignet du mutilé, qui gémit maintenant plus qu'il n'hurle, en tentant de presser sa main encore libre sur son bas ventre ravagé... Et la Kieffer, de pointer maintenant son arme sur le complice, qui tient toujours la Zéro... Braquer son arme... Vide. Au bluff... De tordre plus encore le poignet du supplicié, tout en braquant l'arme sur la seconde future victime de la journée...

"Il est où... Le pantalon...? Quéqu'un va m'le dire... Moi ça m'tarabuste... L'est où... L'est où le pantalon de ma copine?"

[Tamarie]

Elle a trouvée une nouvelle passion la petite peste, elle écrit tout dans un petit journal que personne ne peut voir. Elle redouble d'ingéniosités pour cacher son trésor, les mémoires d'une petite fille de 9 ans par Tamarie. Elle se concentre sur les boucles de ses lettres quand le cri déchira le silence du désert. Sursaut de surprise, puis réflexe éclaire pour cacher le grimoire avant que Jo ne lui tombe dessus. Elle semble inquiète plus que terrifier, mais ça amuse la gamine, de plus en plus sa l'amuse de voir le visage de sa nouvelle maman se déformer au file des évènements.

Pas bouger, rester cacher, pour d'autre. La gamine ne fait même pas semblant, elle voit la cavalière partir, elle la suit, intelligemment. La petite fait le tour, histoire de pas ne pas tomber nez à nez avec sa mère, bien qu'elle soit certaine de ne pas se faire engueuler, elle ne veut quand même pas lui montrer qu'elle lui désobéi allègrement.

C'est donc en faisant son petit tour qu'elle tombé sur un futal et une petite culotte. Drôle d'endroit pour oublier ses vêtements, mais pourquoi pas après tout. La petite ramasse, ça peut servir, puis il semblerait que se soit celui de Zoé. Absorbée par sa trouvaille, elle ne réalise même pas qu'ils sont à quelques mètres d'elle, c'est la détonation qui l'interpelle et lui fait tourner la tête vers les fesses de la borgne et son nouveau copain. le pantalon en main, le cul de la pirate à l'air, cela pour être drôle si... En faite c'est drôle, et la petite manque de pouffé de rire.

Pour en rajouter au drôlesque de la citation, elle prend une flèche de son carquois et avance discrètement vers sa proie, un large sourire aux lèvres, une pointe en main, elle est prête a frapper.

*Floutch*

Un hurlement douloureux est poussé par l'homme qui entravait Zoé. Une flèche guidée par la brave Tamarie vient de lui traverser le fondement. Partie tendre si il en est, la flèche entre au plus du trois-quart. Il voulait tirer un coup, il pensait pas se faire enculer par une petite fille de 9 ans, qui apparait derrière la pirate, morte de rire.

[Zoé Zéro]

De moins en moins de force, il est vrai, alors que le cochon continue de tirer les cheveux de Zoé vers l'arrière, et qu'il s'est enfin niché sous son menton pour forcer et forcer encore, avec d'énormes traces de dents sur le poignet.

La mexicaine serre les mâchoires, en griffant lamentablement le bas du visage de son preneur d'otage, cette fois. Essayant de ne pas vaciller, alors que le face furieuse de Jo Clay commence à se brouiller, bientôt composée par un réseau d'étoiles, qui se multiplient, petit à petit...

Mais soudain, la pression se relâche. Le bras qui serrait la borgne est toujours aussi tendu et contracté, mais ne serre pas autant. La main qui empoignait la tignasse ne l'empoigne plus. Le type hurle, aussi. Elle ne l'entend même pas, comme si le temps venait de se figer. Une ou deux secondes, pour prendre une grosse inspiration, l'oeil rivé sur Kieffer, avant de se pencher légèrement, et de balancer l'individu par dessus son épaule. Individu qui tombe sur le dos, ou plutôt, sur les fesses. Fesses où s'enfonce encore plus profondément la flèche, déjà confortablement installée.

Zéro bondit sur l'abdomen du pauvre type, penche un peu son corps quasi-nu au dessus de lui, pour attraper la machette, tombée aux pieds du tout aussi infortuné collègue...
Pivote à 180°, à califourchon, puis redresse son dos, pour brandir l'arme bien haut, et l'abattre en gueulant comme une possédée...l'abattre, à plus de reprises qu'il n'en faut... Devant la petite Tamarie, et dos à Kieffer, position oblige. Elle s'y met même à deux mains, pour charcuter la gueule de notre ami, qui commence à ressembler à une assiette de salami couvert de pus et de ketchup...

Il a eu son compte là, non ? Inutile de persévérer, tu vas ficher la lame dans sa boîte crânienne, bientôt... Non ?

Et non. Le mouvement semble vouloir se répéter inlassablement, et, au dessus du pubis de la gamine, là où trône l'immense tatouage, et même au delà, de par les courbes que décrit la lame, on assiste à une véritable exposition de peinture abstraite, alors que le sang gicle dans tous les coins...

« GmmMmMPPpPFffFfFFFFFff !!!!!! »

[Jo Clay]

Bordel de merde, ça chie dans la colle, ou : comment perdre le contrôle de la situation en l'espace de quelques secondes. Perte du contrôle de la situation pour les deux loubards, gravement... Et dans une moindre mesure, perte du contrôle de la situation pour la Kieffer, qui ne veut absolument pas... Absolument pas... Que sa petite Tamarie soit confrontée à ce genre de spectacle foireux. Ici, dans la Jo Clay Compagnie, on punis les méchants proprement... Parcequ'on est les gentils... Ou pas.

Sans bien comprendre ce qui est arrivé, en entendant le gars hurler... Elle a cru apercevoir la fillette, derrière, tout sourire : oh mon petit trésor... La fillette tout sourire, qui n'avait rien à faire là... Puis tout s'est enchaîné : le type par dessus l'épaule de Zoé, Zoé par dessus le type... La machette par dessus Zoé... Le type par dessous la machette... Et Tamarie, devant tout ça. Agir, vite? Tu vas bien toi...

Quelques secondes de flottement à peine, et le pistolet vide de la cavalière vient fracasser la tempe du malfaisant encore vivant, dont elle casse toujours le poignet, d'une main... Il s'écroule dans son jus, un filet de sang sur le coté de sa tempe fracassée... Puis c'est une botte crasseuse, qui vient s'écraser contre la figure, et démettre la mâchoire, dans un craquement assez sinistre. Encore un qui se réveillera avec une terrible migraine... Sans couilles... Et sans dents... Si d'aventure il se réveillait.

Et toujours furieuse, l'autoproclamée Marshall du coin, qui l'arme vide au poing, envoie cette fois un coup de botte circulaire dans le flanc de la Zoé, pour la décrocher de son ancien agresseur... Ancien agresseur qui commence à faire des bulles rouges avec sa bouche... Enfin, avec ce qui lui reste de bouche... Et avec son nez... Enfin, à l'emplacement où jusqu'à présent il était censé y avoir un nez. Bref : l'amas de charpie immonde suinte le raisiné et le pus... Mais le malheureux est vite libéré de son bourreau... Peut-être est-il un peu mort, aussi, faut dire.

Furieuse/froide/folle, employez l'adjectif que vous voudrez, pour qualifier une Kieffer qui, après son coup de pied circulaire sur la petite borgne, vient de l'empoigner par les cheveux et de la plaquer au sol, sur le ventre, alors qu'elle s'est installée à califourchon sur son dos... Cette fois-ci, l'arme vide, c'est sur le coté de la gueule de la belle fossoyeuse, qu'elle est braquée... Et la demeurée, qui se penche à son oreille...

"T'vas t'calmer? Ou c'moi que j'te calme?"

Et sur un ton mauvais, d'où suinte la jalousie maladive; la méchanceté et la rancoeur :

"Y t'ont baisée?? C'qu'y t'ont baisée?? TU T'ES FAITE NIQUER?? TU REPONDS BORDEL DE MERDE??"

[Tamarie]

Même pas un merci, même pas un regard, qu'elle bande d'ingrates. Tamarie arrête de rire, elle tire la tronche, moins que le mec qui se fait défoncer à coup de lames, mais merde quoi, même pas un petit signe en remerciement, rien. Le sang gicle jusqu'à elle, l'éclaboussant, mais c'est pas son problème, puis la crasse sa fait pas peur. Tant que c'est que des goutes et pas une flaque.

La Jo s'énerve, pourquoi? Va savoir, mais elle semble fâchée, elle prend la place de l'agresseur et se jette sur elle. Marre qu'on l'oublie, elle dépose juste devant le nez de la borgne, son pantalons et sa culotte puis va s'assoir sur le dévisagé. C'est pas son poids plumes qui en ajoutera à sa douleur. Elle boude, un peu, beaucoup. Elle chipote au visage déconfit, triturant des bouts de peau, mélangeant le sang et autres grumeaux. En faite elle ne réalise pas vraiment se qu'elle fait, elle réfléchie, elle veut juste qu'on la remarque...

Zoé, c'est depuis qu'elle est là que Jo ne la regarde plus. Arrivée en ville, oubli de la petite, chez Lanthane, elle part sans elle, et ici, même pas de considération. Tamarie se tourne vers la pirate, un visage taché de sang et une expression plus que mal saine.

[Zoé Zéro]

A nouveau, mordre la poussière. S'affaler dans la poudreuse brûlante, du sable agglutiné, tout le long des routes départementales qu'a formé le sang, sur la carte de son épiderme bronzé...
Le souffle de la Kieffer, entre deux respirations de forcenée.
Le regard glauque de la gamine, entre deux gouttes de sueur ensanglantées qui lui irritent la rétine. La réverbération. Luminosité aveuglante.
Questions hurlées.
Gueule de flingue.
Garde à vue éphémère.

Elle s'accroche aux plis des vêtements devant son visage, enfonce ses ongles dans le cuir. Fièvreuse. C'est pas une vie que d'attirer irrémédiablement les emmerdes. Live fast, die young.

La goutte au nez, elle marmonne, mâchonne ses mots comme les feuilles empoisonnées. Une goutte de sang déborde du cache-oeil, pour venir rouler sur ses lèvres charnues. Ce sang, le sien.

« P'tain non Jo. P'tain... Jo... Jo... Non Jo... Claro... Jo... Gracias Jo... Merci p'tain... P'tain ouais... Non Jo... J'voulais pas Jo... Putain non... »

…

« Moi j't'aime t'sais... Pleure pas... Y sont pas vraiment morts t'sais... »

Est ce que la Jo pleure ? Surement pas. Est ce qu'elle se souvient d'un délire semblable, alors que l'autre demeurée commence à trembler d'un peu partout ? Peut être bien.

[Jo Clay]

"Ils sont pas vraiment morts, t'sais..." Et de pleurnicher, la petite fossoyeuse, toute tremblante... Ils sont pas vraiment morts. La grande tortionnaire se souvient-elle seulement de la petite crise, dans la grange, cette fameuse nuit? Crise qui lui avait fait lâcher prise, pour aller mâchonner une clope, entièrement à poil dans la pénombre, adossée au mur pourri de la grange? Peut-être, oui. Peut-être qu'elle s'en souvient... Mais elle fera semblant, comme de coutume, de ne pas relever que quelque chose cloche... Gravement.

Son flingue toujours appuyé contre la pauvre figure de la borgne, elle se contente de murmurer : "Ouaip', y sont pas morts... J'vais arranger ça, ma puce..." A compris ce qu'elle a voulu comprendre, la cavalière, en lâchant prise une fois de plus. En se relevant, pour attraper sans ménagement la Zoé par le haut du bras, et la relever.

"Y t'ont pas baisée? L'résultat est l'même... Habille toi."

Elle se retourne, entame de vider une charge de poudre, dans la gueule de son arme. Calmement, elle tasse, et coince un plomb à l'intérieur, en avançant vers Tamarie, assise sur le corps mutilé. Corps mutilé, qui tressaille, par moments, alors qu'il se vide complètement de son sang, et de divers fluides corporels tous plus puants les uns que les autres... Calme, oui, la cavalière. Calme à nouveau, alors qu'elle sourit à une Tamarie boudeuse, qu'elle prend par la main...

"Viens trésor, viens te serrer contre maman... C'est bien ce que tu as fait."

Contraste assez saisissant, oui, alors qu'en serrant la gosse contre son flanc, d'une main... En lui câlinant les cheveux, et en la cajolant, elle pointe son arme sur la figure du type au sol... *BAM* Encore un coup de feu, sous les montagnes... Elle presse la fillette contre elle. S'accroupis, pour se mettre à son niveau, sans prendre garde que les pans de son manteau trainent dans le jus du maccabé, au sol... Le vêtement en aura vu d'autres.

"T'sais que maman elle t'aime, mon p'tit trésor... Faut pas bouder comme ça... Pourquoi tu boudes? Tu veux un calin? Tu aimes quand maman elle fait des calins?"

Elle serre la petite, l'embrasse... Sans vraiment se rendre compte qu'elle parle à une gosse de neuf ans comme si elle en avait trois... Jo Clay Kieffer et l'éducation enfantine... Jo Clay Kieffer et la petite Tamarie... Jo Clay Kieffer et son instinct maternel malmené par ses névroses... Jo Clay Kieffer, en bref.

Elle se lève à nouveau; toujours aussi calme, charge une seconde fois son arme. Même opération... La poudre, tassée... Le plomb, coincé. Avance jusqu'au second truand; qui s'il n'est pas vraiment en état de comprendre ce qui lui arrive, tente tout de même de ramper un peu, avec un seul bras pour se trainer; la charpie de ses couilles pressées dans son autre main... Et la mâchoire de travers, disloquée... La gueule en sang. Beaucoup de sang, en une seule journée, quand on y pense...

Elle s'accroupit face à lui, braque le flingue sur son oeil... Il s'immobilise, résigné. C'est tant mieux : elle est lasse. Dernière détonnation, à l'ombre des crêtes, ce jour là... Et le soir qui ne va pas tarder à tomber... Pas plus gênée que ça par la présence des deux maccabés, de la merde et du sang, elle lance à l'attention de ses deux compagnes de route, en rangeant le pistolet dans son ceinturon :

"On va réunir leurs affaires, et camper ici."

[Tamarie]

C'est déjà fini de bouder. Comme toujours, les humeurs de Tamarie changent aussi vite que celles de Jo. Un câlin de sa maman et c'est reparti de plus belle, sourire aux lèvres, sans sur les mains. Elle s'essuie sur sa robe, de plus en plus salle, de plus en rouge sang, elle commence même à puer. Elle aimerait tant avoir de nouveaux vêtements. Quand elle y pense, elle est dans cette robe de petite fille de 8 ans depuis le début.

Elle jette un coup d'œil à la borgne qui se rhabille. Elle aime pas les pantalons, elle veut une robe de sa taille.

Tout est fini, deux hommes sont morts et on ne parlera plus jamais d'eux. La nuit tombe sur trois cavalières. Un feu va réchauffer la froideur de la nuit pendant qu'elles s'endormiront sur leurs deux oreilles, en tout cas Tamarie, elle va pieuter comme un bébé.

[Zoé Zéro]

Si, après la mêlée de plombs et de raisiné, après la tornade de hurlements et de sang versé, il y en a une qui ne dormira pas sur ses deux oreilles, c'est bien la Zoé. Elle qui naguère, sentait bon le savon, commence à puer le fauve et la mort comme n'importe quel foutu chacal du désert. Et, même après s'être avalée cinq ou six cachetons de son stock étrange, la pilule aura bien du mal à passer: démangeaisons, insomnie, soubresauts nerveux, rythme cardiaque dangereusement augmenté.


Et le visage creusé de la Jo Clay, qui hante son oeil solitaire, incrusté dans la rétine, alors qu'elle serre la machette rouillée contre sa poitrine, peluche mortifère d'une petite fille qui a surement grandi trop vite... Ou qui n'a jamais vraiment pu grandir, allez savoir...

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