Shangri-La brûlait

[Lanthane]

Les flammes dévoraient les planches avec un crépitement de satisfaction. La tôle pliait sous la chaleur infernale. Des poutres s’effondraient en travers des rues désertes, qu’une pellicule de cendre avait recouvertes. Une fumée épaisse, nauséabonde, s’élevait majestueusement au dessus des marais.

Le paradis s’était soudain transformé en enfer.

Aucun cri ne retentissait, aucun pleur, aucune lamentation désespérée ne s’échappait des constructions enfummées. Seul le vacarme assourdissant des flammes en plein festin.

Shangri-La brûlait.

Hypnotisés par le chatoiement ambré du brasier, les derniers habitants encore sur place, restaient immobiles, silencieux. Le spectacle coupait le souffle. Il était unique.

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Lanthane avait l’impression d’être en plein cauchemar. Elle tenait encore dans ses mains tremblantes, les feuillets du plan d’évacuation, qu’elle avait soigneusement préparé depuis plusieurs lunes. Elle en regardait, estomaquée, le résultat. Impossible ! Inconcevable ! Comment avait-elle pu ?

Elle avait tendu mécaniquement à Zkapt les fusées de détresse, en lui indiquant exactement où il fallait qu’elles atterrissent pour enflammer aussitôt leur environnement proche, soigneusement aménagé dans ce sens. Puis, elle s’était tournée vers le Land Rover, pour finir de charger les vivres et le matériel transportable.

Le sifflement des fusées l’avait tiré de sa transe, l’avait ramené dans l’horrible réalité qui l’avait conduite à organiser la destruction d’une des plus vieilles communauté du désert, de La communauté qui l’avait accueillie depuis sa sortie du bunker, qu’elle avait administrée, directement ou non, pendant plusieurs années et dont la grande majorité des bâtiments était son œuvre.

Elle avait regardé Zkapt, affolée, prête à lui sauter dessus pour l’arrêter. Cette dernière lui avait jeté un coup d’œil tranquille, mais lourd de sens : « Rappelle-toi, nous en avons déjà discuté. » Impuissante, Lanthane avait alors regardé les flammes se propager.

Puis, tel un automate, elle avait gagné le siège conducteur du land, et après avoir vérifié que tous ceux qu’elle avait appelés, étaient bien au rendez-vous avec leurs affaires, elle avait démarré et disparu derrière les dunes.

Le nuage de fumée noire s’éleva encore de longues heures dans son rétroviseur.