Dors, dors Alisha sur le mirador...

[Alisha Kamakshi]

Après une chasse assez déconcertante et quelques frasques touristiques, Alisha en profita pour brosser son cheval. S'exécutant à ôter la poussière, démêler la crinière d'une jument visiblement mieux soignée que celle qui jouait les amazones dessus, elle la confia à ses acolytes avant de faire un tour dans la communauté. Profitant d'un peu d'intimité dans l'étable - un mur de bottes de foin bien défini pour se mettre à l'abri des regards indiscrets - elle se rafraichit afin de se donner meilleure allure... Faut dire, elle n'avait pas encore trouvé un endroit convenable où il était possible de se laver.

Vint ensuite le désir d'une sieste de bon aloi afin de profiter des derniers rayons du couchant. Seule terre promise à cette aspiration était bien entendu le mirador où elle pourrait, de surcroit, admirer la voûte céleste. Alors la voilà qui ressort et grimpe. A la manière d'un chat qui cherche le meilleurs coin où roupiller, elle se met du côté où la lune serait la plus visible, du côté où les paysages étaient somme toute plus agréable à l'œil et s'allongea simplement, ses bras croisés sous sa tête et les paupières closes, en fredonnant une berceuse de son pays...

Chand mama, chand mama... Tip diè dja Khukur kopalè chand tip diè dja...

[Jo Clay]

Soleil couchant dans le lointain, chacun se prépare comme il l'entend, à la journée du lendemain. Alisha, paisible et sereine, chantonne à mi voix, allongée en haut de son mirador. Les habitants vaquent à leurs occupations tardives, avant d'aller s'allonger à leur tour, fatigués du travail du jour.

De son coté, dans la vieille grange où elles sont domiciliées, Jo a couché la petite Meryl. Façon de parler : une claque derrière les oreilles, un coup de pied au derrière, et au lit ma chérie. Puis la brune a quitté le vieux morceau d'étable, son arc cassé en bandoulière. Dehors, son bourrin, à qui elle n'avait même pas encore pensé à donner de nom. Elle détache la longe qui le retient à son piquet, lui passe une caresse sur les naseaux. La nuit va tomber, personne regarde, elle s'en fout.

Elle caresse l'animal, elle pense. Elle s'accroupit, ramasse une poignée de pierres, qu'elle enfile dans une des poches accrochées à la selle, avant de sauter dessus, soudainement.


*SHLAK !*


Un grand coup de talons dans les flancs, elle lance l'animal au grand galop, tout droit à la périphérie du petit regroupement des bâtiments de fortune. Elle ne franchira pas l'enceinte. Au galop, toujours, elle fait le tour des fortifications, par l'intérieur. Elle fonce droit devant elle, puis tenant les rennes d'une main, elle enfonce l'autre dans la sacoche qui contient les pierres, au flanc de la monture. Elle brandit un cailloux, vise tout en continuant sa course, et VLAN !

Elle rate sa cible : un des poteaux d'enceinte. Le galop continue, le prochain poteau est à une trentaine de mètres. Attrape un nouveau caillou, VLAN. Encore raté. Prochain poteau, encore trente mètres. Un nouveau caillou, VLAN. Touché. Prochain poteau... VLAN ! Touché. Encore un, VLAN ! Touché... Elle commence à prendre la main... Elle devrait pouvoir se passer de son arc...

Puis elle tire les rennes, interrompt la course, repars au pas. Passe sous le mirador, en haut duquel roupille l'indienne.

C'est comme ça... Le soleil est couché, chacun prépare comme il veut la prochaine journée. Ceux qui se reposent avant d'aller travailler. Ceux qui s'entrainent avant d'aller tuer... Chacun son truc...

Fatiguée, elle met pied à terre, attache la bride de l'animal a l'un des pieds de la tour, puis grimpe, lassée de l'exercice. En haut, elle tombera sur l'indienne, allongée, bras croisés sous la nuque. Pas de mot désagréable, pour une fois. Elle vient s'asseoir, silencieuse, à coté de sa compagne.

[Alisha Kamakshi]

La cadence du cheval au loin n'aura pas manqué d'attirer l'attention de l'indienne qui, cependant, laissa faire son acolyte en lâchant un soupir. Jo avait une façon bien singulière, bien à elle d'exprimer sa colère, sa rage ou son dépit semble t-il. Toujours sur le qui-vive, toujours à riposter mais Alisha avait finit par s'habituer. Peut-être même à comprendre.

Alanguie à même le sol, toujours les bras sous sa tête et la mine paisible. Cils épanchés fuligineux se relèvant légèrement, yeux mi-clos, elle observe la jeune femme la rejoindre. Un léger sourire en coin se dessine tandis qu'elle reporte, silencieusement, ses iris chocolatés sur les broderies stellaires parsemant un crépuscule d'encre. Elle ne bouge pas, laissant s'épaissir le voile du mutisme ambiant tandis qu'une légère brise la fait frissonner...

[Jo Clay]

Le voile du mutisme ambiant : jolie expression, pour traduire un silence léger, mais qui fait tout de même bien chier la cavalière. Cependant, elle ne le brisera pas. Toujours assise, tranquillement, à coté de sa compagne, elle se détend complètement, pose son dos contre la fragile rembarde de féraille et de bois.

Et elle aussi, elle observe. Non pas la voûte céleste, ou les environs du village, mais bel et bien l'Indienne allongée. Elle ne croise pas son regard, mais croit remarquer un sourire en coin, sur son visage de métèque du bas Gange... Alors fatalement...


"Qu'est c'qu'y t'fait rire, miss contorsions? Pourquoi tu t'marres?"


Elle redresse un peu son torse, croise ses bras autour de son genoux, un regard interrogateur en direction de la danseuse.

[Alisha Kamakshi]

Les prunelles charbonneuses se détournent des cieux, se reposant sur la jeune femme. Haussement de sourcil, elle l'observe un moment puis hausse les épaules semblant signifier que cela n'a aucune importance.

Rien. Profiter calme... Instant présent. Cela change.

Elle laisse échapper un soupir d'aise puis se relève légèrement pour s'adosser à son tour contre la rambarde. Fouillant dans ses poches, elle en extirpe un paquet de clopes trouvé dans la sacoche usée d'un macchabée. D'une autre main, elle sort un briquet daignant marcher après plusieurs essais. Cigarette allumée, elle tire une bonne bouffée.

Tu en veux une ?

[Jo Clay]

Ca doit être la première fois qu'elles se retrouvent côte à côte, toutes les deux, à causer sans se tirer les cheveux, sans s'uriner dans la gorge, et sans se mettre sur la courge. Ainsi affalée, à coté de l'Indienne, la connasse lui attrape la clope des lèvres, à deux doigts...

"J'prend la tienne."

Elle porte la saloperie empoisonnée à ses lèvres, en tire une bouffée... Se dit que ça va la tuer. C'est sûr. C'est comme la boisson, c'est mal. Puis elle retend la cigarette à la danseuse. Elle cherche quelque chose à dire, elle trouve pas : c'est pas la compagne de papotage idéale. Alors elle reste étendue là, en haut du mirador. Elle n'a pas proféré d'insultes, encore, ni frappé sa collègue. C'est un sacré pas en avant, c'est clair. On lui en demandera pas plus pour aujourd'hui.

Tout de même...

"Tu te souviens, la Ville Rouge... J't'avais dit que je reviendrais te chercher..."

Elle rit bêtement, une seconde.

"T'es pas conne au point de m'avoir crue, ce jour là... Si?"

[Alisha Kamakshi]

Reprenant sa clope, elle tire une bouffée à nouveau. Tournant son visage légèrement vers jo, le regard amusé. A noter que son accent bien que toujours présent, s'estompe alors qu'elle parle à demie voix, murmurant à son interlocutrice.

Jamais. La confiance, c'est dur à donner, je pense que tu le sais mieux que moi. Disons que tu auras été l'impulsion pour que je me décide à quitter l'endroit mais errer sans but, ça me gonfle. Il fallait un but, quelque chose alors j'ai pris mon temps. Repérer les lieux du mirador, les planqués. Attendre l'accalmie. Il y avait le gosse, le cheval et vous. J'ai suivi l'impulsion, je suppose qu'on appelle ça la survie dans le coin, non ? J'ai bien des questions à te poser et quelques nouvelles fraiches mais les murs ont des oreilles...

[Jo Clay]

Elle hoche la tête. L'aventure, cette nuit là : les balles qui sifflaient, le tonnerre d'acier au dessus de leurs têtes, les bâtiments en feu... Et la Alisha, sous la table, et elle, qui l'avait tirée d'en dessous, elle ne se souvient même plus pourquoi, d'ailleurs. Elle sourit, en repensant à l'Indienne, abandonnée en arrière, avec la vague promesse de retour... Elle sourit, et le fait qu'Alisha ne l'ait pas crue, ne gâche en rien le plaisir du souvenir.

Quand on y repense, c'est drôle. C'est comme ça. Faites vous tirer dessus, vivez une situation désespérée au cours de laquelle vous ferez une petite blagounette... En y repensant plus tard, vous rigolerez un peu... Forcément. C'est ce qui arrive à Jo, en ce moment.

"La survie... Ouaip. J'suppose."

Elle étend ses jambes devant elle, laisse son regard se ballader sur ses deux bottes crasseuses...

"Bah... Les gens du coin s'en foutent, de ces histoires. Tout ça, ça s'est passé à des lieues de là. Y z'ont p'têtre même jamais entendu causer de la Ville Rouge. T'irais leur raconter ton périple pour te barrer de là bas entière qu'ils te croiraient pas. Quand c'est à plus d'une centaine de bornes, c'est un autre monde... C'est comme ça."

Elle joue distraitement avec ses bottes, soulève son pied droit, le fait passer par dessus le gauche, puis vice versa...

"J'crois pas en savoir plus que toi."

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